L'implication des coachs sportifs
Les résultats des équipes françaises sur les scènes mondiales et olympiques doivent beaucoup à la qualité du management des athlètes. Les plus grands coachs mettent aujourd’hui leur expérience unique au service des malades.
Une symbolique forte
L'objectif du travail effectué ici est de faire bénéficier les patients en rémission des bienfaits des stratégies d'intervention reconnues dans le management du sport et de la haute performance sportive afin d'améliorer leur retour à la vie sociale.
Le sport est porteur d'une importante charge imaginaire positive, de registres de capitalisation symbolique efficaces et de vecteurs identificatoires. Les sportifs de haut niveau sont, ainsi, porteurs de mythes et de récits fondateurs rassurants. Cette dimension symbolique donne toute sa puissance sociale au sport, à travers l'invocation de multiples métaphores et récits allégoriques garantis par des croyances positives sur des vertus sportives bien connues : dépassement de soi, volonté, courage, abnégation, respect, joie dans l'effort, considération, équité. C'est parce qu'il est porteur de ces mythes sportifs fondateurs sans cesse renouvelés par l'entretien de croyances et stéréotypes que le sport participe à fédérer et rassembler.
Par ailleurs, le récit sportif a aussi pour effet d'organiser symboliquement le social en donnant du sens à la fois à des conduites individuelles et des attentes collectives. Ce registre symbolique permet ainsi de rendre plus tangibles les valeurs de l'action d'un individu ou d'un groupe. La dimension morale et symbolique se retrouve dans l'objet mais également dans les comportements et modes d'actions des acteurs en charge de la performance sportive. Ainsi, dans une étude récente, nous avons analysé le leadership efficace dans le sport de haut niveau en France. Cinq sélectionneurs d'équipes nationales de sport collectifs ont été interrogés sur leurs conceptions des meilleures pratiques de gestion et de management des hommes. Ils accordent une attention toute particulière à la considération individuelle de l'athlète et la mise en place d'une relation de confiance, à la délégation du pouvoir et le partage régulé des prises de décision qui renforcent le sportif dans un sentiment d'autonomie et de compétence, catalyseurs d'une motivation intrinsèque. Par la satisfaction de besoins psychologiques supérieurs, les sélectionneurs contribuent à donner du sens aux actions des athlètes, vecteur de bien-être psychologique dans sa dimension eudémonique c'est-à-dire dans ce qu'il contribue à actualiser le potentiel humain.
Les déterminants de la haute performance sportive restent au cœur de notre recherche. Notre intérêt se porte tout particulièrement sur les conditions d’existence et d’efficacité de la relation entraineur-entrainé, dans ses dimensions de confiance, respect mutuel, coopération, et compréhension. C’est une relation dynamique qui évolue dans le temps selon un certain nombre de facteurs identifiés ayant trait aux émotions et comportements humains. La littérature à ce sujet est prolifique et nous permet de développer la réflexion sur cet objet à partir d’un modèle de recherche intégré mettant en évidence les raisons et les moments qui poussent l'entraîneur et l’athlète à privilégier la performance ou le bien être psychologique au sein de leur dyade. Ainsi, au travers du passage par le sport de haut-niveau, nous cherchons à questionner l’adaptabilité d’un certain nombre de concepts et d’outils et leur transfert à la relation d’aide chez les patients atteints ou en rémission de cancer.
Le concept de coaching
Le sport a largement permis de définir le concept de coaching comme il est entendu aujourd’hui. En partant du postulat qu’existait un état interne propre à chaque athlète, des études ont montré l’effet du coach sportif sur le contrôle d’obstacles intérieurs pouvant être un frein à un niveau optimal de performance. A travers leur pratique, les coaches sportifs ont montré l’évidence d’une approche holistique de la performance, apportant à l'entraînement physique les dimensions du mental et de l’émotionnel. Le coaching est ainsi devenu une forme d’accompagnement à part entière qui s’est peu à peu diffusé dans divers domaines de la société dont la santé. Il a été montré que les formes d’accompagnement individuel et personnalisé étaient plus opérantes pour générer des effets à long terme que celles effectuées en groupes, notamment en oncologie. D’autres études ont démontré que, dans la période d’après-cancer, les interventions les plus efficaces étaient celles destinées à agir sur les capacités, aptitudes et comportements. Le coaching permet donc de s’adresser directement aux préoccupations du patient en rémission et peut ainsi augmenter les chances de survie, mais aussi la santé et le niveau de bien-être du patient dont les bénéfices s’étendent à différents secteurs de la vie (professionnel, personnel et relationnel).
Le modèle bio-psycho-social servant d’appui au système de soins actuel, stipule qu’il est primordial de placer la personne, et non uniquement le “patient”, au centre de la prise en charge. Ainsi, observer l’effet de l’activité physique, en tant que pratique, sur les conséquences des traitements et du cancer, semble désormais insuffisant. Il est maintenant nécessaire de se poser la question de l’efficacité d’un coaching directement inspiré du sport et prenant appui sur une pratique, pour servir des intérêts plus globaux et comportementaux pour le patient.
Notre approche se propose de décliner l’utilisation d’un accompagnement sportif à différentes périodes du traitement en oncologie, et ceci à travers trois questions principales. D’abord, quels bénéfices cette prise en charge peut-elle avoir sur la toxicité des traitements et la survie des patients à un acte chirurgical et/ou un traitement éprouvant ? Quels bienfaits physiques et psychologiques un tel accompagnement, assorti à un programme diététique spécifique, peut générer sur la morbidité et la mortalité des patients allogreffés ? Enfin, dans quelle mesure notre dispositif peut amener des changements comportementaux profonds et durables et répondre à des besoins non satisfaits chez le patient allogreffé ?
L’Académie des coachs
L’idée a germé dans l’esprit d’entraîneurs de très haut niveau. Des coachs confrontés aux doutes, aux échecs, à la détresse, dans des environnements complexes, des contextes de tension extrême comme aux Jeux Olympiques ou dans des tournois mondiaux. Ils ont trouvé des solutions, acquis l’expérience des relations humaines, modélisé des méthodes et gagné beaucoup de titres. Dès lors, que souhaiter de plus ? Remporter davantage de trophées ? Certes. Mais leur humanisme contagieux commandait d’aller plus loin. De partager, de transmettre en s’aventurant dans d’autres domaines, là où le besoin peut s’avérer vital.
Ainsi est née au début des années 2010 l’Académie des coachs, confrérie assemblée hors des chemins balisés, très discrète à l’image d’hommes aux palmarès pourtant épais comme un annuaire avec l’initiateur Claude Onesta en handball, Alain Weisz et Vincent Collet en basket-ball ou Romain Barnier en natation. L’objectif de départ d’une trentaine d’entraîneurs et de sélectionneurs de sports individuels et collectifs se veut simple : réfléchir à la mise en pratique de leur savoir-faire en dehors du champ sportif. Domaine visé : la santé. Un think tank, mais pas seulement pour ces hommes de terrain.
« Gagner, oui, mais pour quoi faire ? » interroge à dessein Claude Onesta. « La question n’est plus ‘’Comment on gagne ?’’ mais ‘’Comment peut-on être utile ?’’ complète Vincent Collet.
Avec Claude Onesta, l’autre pivot de l’Académie se nomme Pierre Dantin, fondateur du laboratoire de recherche en management du sport d’Aix-Marseille Université. Un chercheur à la curiosité XXL dont une intervention à l’IPC a convaincu le professeur Patrice Viens d’un transfert possible des secrets de vestiaires de champions aux services d’oncologie. L’activation des mêmes ressorts psychologiques chez des athlètes de la haute performance et des malades du cancer a pris corps.
« Collectivement, quand les gens vivent mieux, sont épanouis, ils ont tendance à être plus efficaces, avance Claude Onesta à l’appui de deux titres olympiques et trois titres mondiaux. Je voyais mes joueurs avant tout comme des hommes. Avec Rebond, le patient est abordé comme une personne, pas comme un malade ».
Les méthodes de management s’orientent vers le retour à l’autonomie, la capacité à prendre à nouveau des décisions sur sa vie. Claude Onesta ne manque jamais de rappeler à ses collègues qu’ils sont avant tout des éducateurs.